mercredi 25 septembre 2013

Ashen Stars : la SF à la sauce GUMSHOE

Pour fêter la sortie prochaine de Night's Black Agent au 7ème Cercle voici la critique d'un autre jeu de la gamme Gumshoe, moins connu  de ce côté-ci de la Manche : Ashen Stars. Le pitch ? Nous sommes en 2468, jouez des enquêteurs indépendants payés pour faire la police dans les recoins les paumés de la galaxie.

Ashen Stars, un jeu qu'il est bien

L'Univers

Pendant plus de deux siècles le Concordat (Combine en vo) a été le garant d'un âge d'or pour l'humanité. Bien entendu toutes les bonnes choses ont une fin et l'apparition des Mohilars, une race extra-terrestre hostile qui a transformé la Terre en tas de boue radioactive, a bien failli éradiqué le Concordat de la face de l'univers.

Il y a sept ans le conflit a pris fin au cours d'un incident connu sous le nom de "l’énigme fantôme" (the Bogey Conundrum). Les Mohilars ont disparus mais plus personne ne se souvient de leur apparence et personne ne sait pourquoi et comment ils ont été vaincus. Rien de tel qu'une belle énigme pour définir l'univers d'un jeu consacré à l'enquête !

Le contexte dans lequel vont se dérouler les enquêtes des personnages est donc intéressant. C'est un peu comme si la Fédération de Star Trek avait périclité et que tous les mondes situés loin du centre étaient livrés à eux-mêmes. On retrouve donc un thème récurrent en science-fiction, celui de la Frontière, dans Star Wars on a le Outer Rim, dans Firefly les Rim Worlds, etc.

Dans Ashen Stars on a donc les planètes centrales (the Core Worlds), où le Concordat tente petit à petit de se reconstruire et la Bordure (the Bleed) où les anciennes colonies du Concordat sont désormais livrés à elles-mêmes.

Qui a mis le plus de point en Esquive ? Passe devant !


Les personnages entrent en scène

Afin de maintenir l'ordre dans la Bordure, le Concordat, qui n'en a ni le temps, ni les moyens, a décidé d'accorder des "licences" de police à des équipes indépendantes. Un groupe de PJ est donc une de ses équipes qui a décidé de maintenir l'ordre dans la Bordure contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Quand les forces de l'ordre d'une planète sont dépassés par un problème (ou que la planète en question n'a même pas de forces de l'ordre) les autorités font généralement appel aux personnages des joueurs.

La création d'un personnage suit plusieurs étapes, les plus importantes étant :
  • ce qu'il a fait pendant la guerre
  • son espèce (le joueur a le choix entre sept peuples : les Ballas (mélange de Vulcain et d'Elfe), les Durughs (anciens alliés des Mohilars qui ont changés de camp pendant la guerre), les Kch-Thks (des insectoïdes cannibales), les Cybes (des cyborg se considérant comme supérieur aux humains), les Tavaks (des tatous berserker), les Vas Mal (une race très évolué qui a dégénéré) et bien entendu les humains.
  • le rôle du personnage à bord du vaisseau (pilote, capitaine,communications, mécano...)
  • le rôle du personnage une fois au sol (Sécurité, Diplomatie, etc.)
  • Une motivation (on retrouve là des motivations de Cthulhu mais également des nouvelles plus adaptées à l'univers)
  • Choix d'un arc narratif ("trouver ma sœur disparue", "laver mon honneur", "retrouver l'homme à six doigts"...). De quoi guider votre interprétation du personnage et donner des billes au MJ
Les rôles choisis détermineront les compétences professionnelles du PJ. Chaque espèce apporte son lot d'avantages et d'handicaps (les Kch-Thks peuvent changer de corps lorsqu'ils meurent mais ont un appétit "génant", les Tavaks sont des bêtes de guerre qui peuvent basculer dans la sauvagerie, etc.).

Un Tavak qui n'a pas encore le doigt sur la gâchette

 J'ai trouvé les différents peuples bien décrits et même s'ils font appel à quelques stéréotypes cela facilitera d'autant plus leur interprétation par les joueurs et le MJ. Les rôles à bord et en dehors du vaisseau permettent de garantir une bonne répartition des compétences au sein de l'équipe. Comme dans la plupart des jeux Gumshoe, la création de personnage est simple et rapide. On obtient au final des personnages bien définis et compétents. C'est une des grandes qualité de ce système et Ashen Stars la met à profit.

Petite cerise sur le gâteau, les joueurs choisissent également un vaisseau pour leur groupe parmi les dix modèles proposés (et la possibilité d'en créer un pour les bricoleurs). Notez qu'il est possible d'améliorer votre vaisseau au fur et à mesure que votre groupe enchaine les contrats juteux.

L'univers est décrit succinctement mais très efficacement : histoire mais également idéologies en vogue dans la bordure, nouvelles religions, apparition des synthcultures (pour faire très court : les amish dans l'espaaace avec un peu de Mondwest par dessus).

Les spécificités d'Ashen Stars

Là ou Cthulhu met en avant la stabilité mentale des PJ, Ashen Stars privilégie la Réputation du groupe.

Le maintien en état du vaisseau des personnages, celui de leurs éventuels implants cybernétiques entre autres choses demandent de l'argent. Plus la réputation du groupe sera mauvaise plus ils devront attendre entre chaque mission. Cela peut les amener à commencer une nouvelle enquête avec des moyens diminués.La violence excessive, les petites magouilles et les enquêtes ratées finiront donc par coûter cher aux personnages. C'est un aspect du jeu qui dépasse la simple logique comptable, le thème principal du jeu (d'après son auteur, Robin D. Laws) est le conflit entre l'altruisme et l'égoïsme. D'un côté les idéaux du Concordat et de l'autre les dures réalités la Bordure et pris entre le marteau et l'enclume : les personnages.

Le système de combat de vaisseau prends le soin de prendre en compte les forces et les faiblesses de chaque vaisseau et s'assure que chaque membre d'équipage aura un rôle à jouer. Il met également en avant les diverses tactiques possibles dans un affrontement entre vaisseaux : vol de données, préparation pour un abordage, attaquer les moteurs et/ou l'armement adverse, etc. J'attends de le tester autour d'une table avant de m'en faire une opinion.

"Salut et merci pour le poisson" (proverbe de certains groupes d'enquêteurs)


Cette adaptation du système Gumshoe n'est toutefois pas exempte de critiques. La liste de compétences ne m'a pas semblé très bien pensée. La transformation de certaine compétence en leur équivalent SF n'est pas des plus heureux. Les pouvoirs de certains peuples extra-terrestres ainsi que les implants cybernétiques et viraux s'accompagnent d'exceptions aux règles qui viennent, à mon sens, encombrer un système plutôt concis et efficace. On note même la disparition de la compétence Arts, la société du futur serait-elle donc constituée de philistins ? C'est ballot, je me voyais déjà lancer une enquête sur la poupée au million d'émotions crée par les clones d'Edgar Allan Poe. C'est toutefois assez simple à corriger si vous en ressentez le besoin.

Pour quelques détails de plus

Dans les 296 pages du livre de base vous trouverez également un chapitre dédié à la création de scénarios, la justice dans le Concordat, le voyage spatial et une belle collection d'antagonistes dont les fameux extra-terrestres de classe K pour lesquels la consigne est de tirer à vue. L'ensemble de ces chapitres sont bien construits, informatifs et utiles au MJ. Le livre propose même un scénario bien ficelé pour introduire MJ et joueurs en douceur dans l'univers d'Ashen Stars. Question présentation le livre et tout en couleur et je trouve la plupart des illustrations d'un excellent niveau (à part peut-être pour les vaisseaux mais c'est purement personnel). Si vous manquez de références visuelles vous trouverez certainement des choses à récupérer du côté du artbook de Mass Effect.

Les scénarios disponibles

Les scénarios sont tous disponibles (à l'heure où j’écris cet article) sous la forme de deux recueils, Dead Rock Seven et the Justice Trade. Le premier est entièrement rédigé par Gareth Hanrahan (mon scénariste favori et maintenant embauché par Pelgrane Press) et les quatre scénarios proposés permettent vraiment au MJ de saisir toute la richesse (et les zones d'ombres) de l'univers d'Ashen Stars. Si le jeu vous intéresse c'est un achat indispensable. De plus l'arrivée de Pascal Quidault comme illustrateur est un vrai bonheur son style de dessin correspondant vraiment bien à l'univers. The Justice Trade propose trois scénarios de bonne facture (plus une démo pour faire découvrir le jeu en 20 minutes). Si vous ne devez en prendre qu'un sur les deux optez plutôt pour Dead Rock Seven.

L'avis de l'Ours

Même si j'ai quelques réserves, aussi bien sur l'univers que les règles, je garde une impression très positive d'Ashen Stars. L'angle d'attaque choisi par Robin D. Laws permet vraiment à Ashen Stars de se démarquer de ses petits camarades. Ce n'est pas de la SF pulp à la Star Wars, pas la SF années 50 de Traveller et ce n'est pas non plus du grimdark-über-noir à la Dark Heresy. Le jeu a vraiment sa propre identité et j'y vois tout au plus les traces du bon vieux Star Frontiers mais qui aurait bénéficié du même reboot que Battlestar Galactica. La simplicité du système Gumshoe est un vrai plus pour n'importe quel MJ qui voudrait lancer un groupe dans les étoiles, sans avoir à passer par les grosses locomotives du marché. C'est un jeu qui donne envie d'être mené et joué, ce qui, au bout du compte, est le seul critère qui compte vraiment pour moi.

2 commentaires:

Poulpiche a dit…

Bigre ! un jeu SF qui n'a pas l'air de se restreindre à une liste de races/matos/vaisseau/mondes/etc...

un jeu comme on aimerait en voir plus souvent donc

Kobayashi a dit…

Oui, Ashen Stars est vraiment une bonne surprise même s'il n'est pas parfait.