jeudi 24 décembre 2015

Bonnes fêtes !

Les Livres de l'Ours vous souhaitent de bonnes fêtes ! 


Et n'oubliez pas de jouer !

mercredi 11 novembre 2015

Adapter des univers à Feng Shui 2

Bon, on ne va pas se voiler la face : vos étagères sont pleines à craquer de jeux auxquels vous n'aurez jamais le temps de jouer (ou bien vos étagères sont vides et il y a tout un tas d'univers que vous auriez aimez découvrir).

Alors nous allons essayer quelque chose.

Quelque chose d'affreux qui fera hurler les puristes mais qui devrait vous permettre de passer quelques bonnes soirées avec nos joueurs : nous allons passer plusieurs univers de JDR à la sauce Feng Shui 2. Vous êtes scénariste à Hong Kong et on vous demande d'adapter un univers de jeu de rôle occidental pour en faire une trilogie destinée au grand écran (même si en vrai vous êtes MJ à Rungis et que vous avez juste trois soirées jeu de rôle à remplir).

On ne cherche donc pas à adapter les règles de Feng Shui 2 à un univers précis. On essaye de donner à ce dernier la saveur d'un film d'action, qu'il vienne de Kong Kong, Séoul, Bangkok ou Tokyo. Si les fans hard-core font un arrêt cardiaque, vous avez atteint votre but !

Dans la critique de Feng Shui 2 nous avions déjà tenter l'exercice avec Warhammer 40.000, mais que pourrait-on faire d'autre ?

Chaque "film" est présenté de la même manière :

Le mot du producteur
Une recommandation générale concernant l'ambiance voulue pour l'aventure.

Archétypes recommandés 
Les archétypes les plus adaptés à l'univers en question.

Accroches mélodramatiques :
Des exemples de melodramatic hooks pour aider vos joueurs en panne d'inspiration. De manière générale, tout ce qui est lié à la famille, aux amis et de manière plus large à la loyauté fera une bonne accroche.

Synopsis
Un court résumé de l'aventure.

PNJ
Quelques PNJ marquant qui permettront aux héros de briller.

A DARKER TOMORROW

ou Delta Green à la sauce Feng Shui 2

 



Le mot du producteur : "On n'a pas le budget pour tourner aux States, alors vous me resituez tout ça à Kowloon !"

Archétypes recommandés 
big bruiser, bodyguard, exorcist monk, ex-special forces, tous les cops (karate, magic, maverick...) qui deviennent donc des agents, private investigator, sorcerer, spy, thief, two-fisted archeologist.

Accroches mélodramatiques :
"J'ai été élevé au sein d'un culte que le 23ème bureau a démantelé"
"Ma sœur est partie étudier aux États-Unis et je suis resté pour m'occuper de mes parents" (et elle fait maintenant partie de Delta Green)
"Mon père était un des meilleurs agents du 23ème bureau, on attends beaucoup de choses de moi"
"Mon père était corrompu, mes supérieurs attendent juste que je fasse une erreur, je serais le  meilleur agent du 23ème bureau"
"Des sectateurs ont tués mes parents, on ne les a jamais retrouvé"

Synopsis
Des banquiers américains ont financé la mise au point d'une IA qui va leur permettre de dominer le marché financier mondial. Mais le scientifique à l'origine du projet est un sectateur, qui compte utiliser son invention pour invoquer un Grand Ancien. Nos héros sont tous membres du 23ème bureau du Ministère de la Sécurité d'état, ils devront déjouer les pièges que leurs tendront les services secrets américains afin d'empêcher une catastrophe mondiale !

Partie 1 : les héros enquêtent sur un culte dont tous les membres sont en train d'être assassiné. En remontant la piste des meurtriers ils tombent sur des agents de la CIA. Cela implique d'interroger des membres de triades, des courses poursuites dans les ruelles de Kowloon, un affrontement avec des mercenaires américains... Revoyez Breaking News et Time and Tide. Les héros seront contactés (où retrouveront la trace) par un membre du culte qui recherchera leur protection.

Partie 2 : en sauvant des membres du culte, les héros apprennent qu'un des principaux leader du culte travaille désormais pour un consortium de banques américaines. Il décide de faire éliminer tout ses anciens camarades afin que l'on perde sa trace. Nos héros peuvent bénéficier de l'aide d'agents américains appartenant à Delta Green (gentils mais incompétents, surtout comparés à la magnificence des agents du glorieux Ministère de la Sécurité d'état). Un raid (discret) contre l'Ambassade américaine peut se révéler indispensable (avec ou sans l'accord de leurs supérieurs).

Partie 3 : nos vaillants héros vont devoir passer par les Contrées du Rêve afin d'y affronter l'IA (car les IA rêvent aussi). équipé comme des héros de Wu Xia Pan, ils vont affronter les hommes de Leng et les cauchemars de la CIA pour mettre fin au plan des Grands Anciens ! De retour dans le monde réel, il va falloir retrouver le concepteur du programme, planqué à bord d'un porte-avions américains.

PNJ
_Helena ou Artem Sokolov, agent du FSB : il faut toujours un agent russe. Il (ou elle) sera plutôt du côté des PJ mais n'hésiteras pas à récupérer ce qu'il peut au passage (en terme d'informations notamment).
_Le membre du culte repenti qui va tenter d'aider les héros
_Un agent de la CIA particulièrement retors
_Un mercenaire américain violent et psychotique

LITTLE GIRLS OF MIDDENHEIM

ou Warhammer à la sauce Feng Shui 2

Le mot du producteur : "Raaah mais c'est écrit par des puceaux ou quoi ? Rajoutez moi des personnages féminins ! Et rajoutez moi des flingues à poudre noire, plein, je veux des gunfights !"

Archétypes recommandés
Archer, Bandit, Big Bruiser, Bodyguard, Bounty Hunter, Cyborg (pleins d'implants créé par les nains), Drifter, Everyday Hero (paysan), Ex-special forces (sergent mercenaire), Exorcist Monk (Exorciste), Gambler, Karate Cop (Milicien), Killer, Magic Cop (Enquêteur de l'université de magie), Martial Artist, Maverick Cop (la version Warhammer de John MacLane), Old Master, Private Investigator (Sherlock ou Magnum version elfe/nain),  Redeemed pirate, Sorcerer, Spy, Supernatural Creature (expérience magique ratée), Sword Master, Thief, Two-fisted archeologist (érudit).

Laissez tomber les modifications chiffrées pour différencier les peuples entre eux. Ajoutez la vision nocturne si vous le souhaitez mais un nain n'a pas plus besoin d'un attribut "haine des orcs" qu'un maverick cop n'a besoin d'un "caractère de cochon". Expliquez, si c'est nécessaire, les codes de l'univers de Warhammer aux joueurs, cela suffira amplement.

Accroches mélodramatiques
"La femme qui a poussé mon père au suicide avait une araignée tatouée sur la main gauche"
"Un répurgateur a fait exécuter toute ma famille"
"Ma mère est rentré dans les ordres après la mort de mon père" (et plutôt que d'en faire une nonne le meneur peut en faire une templière badass, pour faire un templier prenez l’archétype ex-special forces en inversant guns et martial arts).
"Mes parents ont été tué sur les ordres d'un ambassadeur elfe" (qui les avait identifiés comme étant de dangereux cultistes)
"Les Dieux du Chaos me parlent dans mes cauchemars et me demandent de retrouver mes parents"

Synopsis
Des orphelines se vengent de ceux qui ont tué leurs parents et découvrent l'existence d'un vaste complot à l'échelle de l'Empire.

Acte 1 : avant de quitter l'orphelinat, nos héroïnes se sont juré de se retrouver dans cinq ans avec les preuves qu'elles ont pu trouver sur les assassins de leurs parents (à donner aux joueurs avant le début de la partie). Alors qu'elles échangent leurs informations, elles sont aussitôt poursuivi par la milice de Middenheim. Elles sont accusées d'être des sorcières. Ce sont les parents d'une des héroïnes qui sont à l'origine de ces accusations. Elles doivent trouver refuge dans les bas-fonds de Middenheim où elles devront faire leur preuve devant la pègre locale et affronter des éclaireurs skavens.

Acte 2 : en remontant la piste des assassins, nos aventurières découvrent qu'ils appartiennent tous à un culte qui a pour but d'affaiblir l'Empire. Certaines découvriront que leurs parents étaient membres du culte, assassinés dans des querelles internes.  Certains parents sont d'ailleurs revenus, sous la forme de démon du Chaos, prêt à convertir leurs filles où a les tuer !

Acte 3 : Middenheim est la première ville frappée par la vague des armées du Chaos. Désertée par la plupart de ses nobles. Ils ne restent plus que des paysans et quelques chevaliers. Nos héroïnes parviendront-elles à tenir la ville ? Ou la nuit s'abattra-t-elle à tout jamais sur le Vieux Monde ?

PNJ
_Un répurgateur qui va chasser nos héroïnes avant de s'allier finalement avec elles (jouez le façon Tommy Lee Jones dans le Fugitif).
_Les parents d'un des héros devenus des démons du Chaos
_Un noble décadent, lâche et bien entendu misogyne qui fait une vie impossible aux héroïnes
_Le chef de la pègre de Middenheim : un "gentil vaurien" à la Han Solo

GUNMEN TENTACLE PARTY

ou l'Appel de Cthulhu à la sauce Feng Shui 2

Le mot du producteur :  "Pour celui-là on a embauché Takashi Miike, 'nuff said"

Archétypes recommandés
On va tenter de rester simple : big Bruiser, body guard, drifter, everyday hero, ex-special forces (japonaises), karate cop, killer, martial artist (plutôt Coq de Combat que Bruce Lee), maverick cop (Kitano dans Violent Cop), ninja, old master, sword master. Si vous aimez bricolez, vous pouvez aussi convertir un tranformed animal en hybride humain/profond (du côté de l'humanité par ce qu'il est amoureux d'une femme, d'un homme, des cheeseburgers ou d'une aidoru).
  
Accroches mélodramatiques
"Mon père dirige le syndicat des pêcheurs et il m'en veut d'être devenu un [archétype choisit]"
"Mon père a disparu en mer, on a retrouvé son navire couvert d'énormes griffures, je cherche toujours à apprendre ce qui a pu lui arriver"
"Ma mère m'a fait jurer de faire sortir mon frère des yakuzas"
"Je suis amoureux de la fille/du fils du patron de la conserverie locale qui ne peut pas me voir en peinture"
"Mon frère a été tué par des yakuzas" (en même temps c'était un sectateur de Dagon, ha ha ha !)

Synopsis 
Des sectateurs de Dagon décident de racketter les pêcheurs d'une petite ville côtière du Japon. Les yakuza locaux ne sont pas vraiment d'accord. Fight !

Acte 1 : plusieurs habitants du village font appel aux héros car ils sont victimes de racket. Les yakuzas locaux ont été attaqués également et pratiquement décimé. En remontant la piste des agresseurs nos héros découvrent qu'il s'agit d'un culte dédié à Dagon et que les racketteurs sont des hybrides.

Acte 2 : le leader du culte est le fils du patron de la conserverie locale qui est revenu pour se venger de son père qui l'avait déshérité. Il s'est acoquiné avec une hybride qui l'a mis en relation avec le culte. Il est dépassé par les événements et sa copine prends le pas sur lui (histoire de surprendre les joueurs qui pensait avoir affaire à une blonde peroxydée). Les hybrides lancent un assaut en règles contre la conserverie du village et tentent de détruire plusieurs bateaux de pêche.

Acte 3 : suite au combat précédent, le culte fait appel à la population de Profonds locale. Ces derniers détournent un navire de la marine japonaise pour venir bombarder le village. Avec beaucoup de courage et un petit zodiac nos héros vont tenter de stopper l'attaque.

PNJ
_Le chef du culte : le jeune japonais un peu con et excessif qui se prend pour Scarface.
_La copine du leader du culte : petite japonaise peroxydée et en apparence un peu évaporée (en fait, le véritable cerveau du culte)
_Un pêcheur bougon (mais au grand cœur)
_La plus jolie fille/le plus beau mec du village qui ne manquera pas de faire chavirer le cœur d'un des héros.

BLACK SHIP REVOLUTION 

ou Warhammer 40.000 à la sauce Feng Shui 2

Le mot du producteur : "c'est la déprime ce truc, je veux des héros putain,  pas une bande de fachos déguisés en fans de Marylin Manson, sortez-vous les doigts, et mettez-moi autre chose que des personnages blancs, on dirait une réunion du KKK putain"

Archétypes recommandés
Tous à part la supernatural creature, utilisez les animaux transformés pour créer des orcs. Le Space Marine sera un big bruiser (mais vu qu'on l'a mis en taule, il n'a plus son armure...), le redeemed pirate fera un excellent Rogue Trader (ou Freebooterz) dans la dèche, maverick cop ou le masked avenger pour un arbitrator, ex-special forces pour l'ancien de la garde impériale ou un Firewarrior Tau, le sorcerer pour les psykers (les doubles "1" coûtent cher). En gros, laissez vos joueurs choisir (en feuilletant un bouquin sur l'univers de Warhammer 40K par exemple) et après seulement faites l'adaptation.

Accroches mélodramatiques
"On m'a accusé à tort d'avoir abandonné mon unité"
"Mon frère est mort suite au jugement sommaire d'un Commissaire"
"L'Inquisition a confisqué mon vaisseau suite aux accusations d'un concurrent"
"Je suis un agent de l'Inquisition chargé d'infiltrer le groupe, vais-je trahir mes nouveaux amis ?" (cette accroche ne devrait  être totalement exploitée que lors de la troisième partie)
"Ma frère a disparu lors d'une bataille contre les armées du Chaos, j'essaye de le retrouver"

Synopsis 
Nos héros sont tous des rebuts de l'Impérium ou ses ennemis (Eldar, Ork, Tau...). Ils s'évadent de la même prison impériale. Ils ont ensuite tous pour objectif de libérer une personne se trouvant à bord d'un vaisseau noir.

Partie 1:  Nos héros doivent s'évader puis trouver les plans et l'itinéraire d'un Vaisseau Noir. Cela donne lieu à des négociations avec des corsaires Eldars et des Freebooterz ork, des combats contre l'Inquisition et bien évidemment la création d'un plan pour prendre un vaisseau noir d'assaut.

Partie 2 : l'attaque du Vaisseau Noir. Un évènement sans précédents dans l'histoire de l'Imperium. Une fois à bord nos héros découvrent qu'une bonne partie de l'équipage appartient aux forces du Chaos, complices de l'Imperium pour plonger ce dernier dans une guerre perpétuelle. L'humanité n'est pas au bord de l'extinction, elle est juste maintenue dans un état d'angoisse et de peur permanent qui nourrit les dieux du Chaos et permet à quelques humains d'accroître leurs pouvoirs.

Partie 3 : les héros comprennent vite que les armées du Chaos et celles de l'Imperium les pourchasseront jusqu'aux confins de l'univers. Ils doivent passer à l'offensive,  à la tête d'une troupe constituée de rebelles, d'eldar, de tau, d'ork... Ils vont utiliser le vaisseau noir pour atteindre Terra et détruire le Trône d'Or. Vous pouvez maintenant revendre votre collection de jeux de rôle W40K.

PNJ
_Un Inquisiteur et ses acolytes qui cherchent à massacrer les PJ
_Un Freebooter Ork et un Corsaire Eldar : tout deux charismatiques, alliés des PJ jusqu'au bout (histoire de rendre leur mort éventuelle plus dramatique).
_Un guerrier du chaos qui est le frère d'un des PJ et qui finit par choisir la famille plutôt que le Chaos (à voir selon le comportement du PJ concerné).

mercredi 4 mars 2015

Into the Odd ou le jeu de rôle de l'inquiétante étrangeté

Avant de commencer cette critique du jeu de rôle Into the Odd je me dois de vous faire un aveu, je ne peux pas vivre plus longtemps avec un tel poids sur la conscience.

L'aveu

J'ai beau avoir publié la VF de Sword & Wizardry : White Box, je ne suis pas, je n'ai jamais été et je ne serais jamais un grand fan de Donjons & Dragons et de ses déclinaisons. Ce n'est pas dû à des raisons rationnelles mais plutôt à mes débuts dans le jeu de rôle.

Même si ma toute première partie de jeu de rôle avait pour support la fameuse "boite rouge" Donjons & Dragons, j'ai poursuivi mes aventures dans d'autres mondes et avec d'autres systèmes. L’Oeil Noir s'est imposé grâce à sa simplicité et son accessibilité, puis ont suivit Runequest, Rêve de Dragon, Stormbringer, l'Appel de Cthulhu, Warhammer... Ces jeux m'ont profondément marqué (plus que je ne le croyais en fait), que ce soit en tant que joueur, que meneur ou que concepteur de jeu.

D&D et moi : la rencontre ratée
D&D (AD&D 2ème édition plus exactement) est revenu bien plus tard (environ une quinzaine d'années après mes débuts en 1983) lorsque j'ai rejoint un groupe dont c'était le jeu de prédilection. J'ai maitrisé un certain temps (Forgotten Realms, Planescape...) et je me suis même essayé quelques temps à D&D 3. Et durant toute cette période j'ai plus subi ces systèmes que je ne les ai apprécié. Comparé à mes expériences précédentes D&D n'avait tout simplement aucun sens : les niveaux, les classes, les peuples, les règles créaient un "univers" qui n'était pas le mien. Dans Runequest je savais "naturellement" qu'un paysan avait au mieux 15% en "lancer de bouse", dans D&D je devais m'interroger sur la logique de l'univers créée par les règles : de quel niveau est censé être le paysan, le roi, le sergent d'armes ? Pour quelqu'un qui a pratiqué D&D depuis un moment, les réponses vont de soi. Pour moi c'était trop tard, j'étais habitué à voir l'univers d'abord avec des règles en arrière plan qui me servaient à modeler ce que moi, meneur, j'avais décidé.

Dans D&D j'avais la sensation que c'était les règles qui modelaient mon imaginaire. Je ne pouvais pas penser à un scénario sans m'interroger sur des points de règles qui me semblaient aussi pesants qu'obscurs : cette aventure est-elle bien conçue pour un groupe de niveau 3, ou 5 ? Combien d'orcs ? Le shaman orc est un ancien guerrier... Dois-je le biclasser ? Dans l'Appel de Cthulhu je savais qu'un type dangereux avait 60% en armes à feu, dans D&D j'étais (et je suis toujours) perdu, j'ai l'impression de toujours passer mon temps à essayer de faire rentrer des cubes dans des trous ronds. C'est d'autant plus frustrant que pour les habitués du système mes difficultés semblent bien ridicules.

Comprenez bien que je parle d'un ressenti personnel, lié aux jeux que j'ai menés très longtemps et qui m'ont donné certaines habitudes. Une fois revenu à D&D ces habitudes étaient déjà trop ancrées et je ne voyais pas l'intérêt de les changer, le jeu, littéralement, n'en valait pas la chandelle.

La première qualité d'un concepteur de jeu ?
Pourquoi malgré tout avoir traduit un jeu comme Sword & Wizardry ? Pourquoi ai-je acheté (et mené !) la 5ème édition d'un jeu qui, fondamentalement, ne correspond pas à mes goûts ? Parce que j'ai la prétention d'être un concepteur de jeux de rôle et quand on veut bien faire son travail on s'intéresse à ce que les autres ont fait et on s'intéresse d'autant plus aux jeux qui sont considérés comme des "classiques" ou du moins des "incontournables" (de l'Appel de Cthulhu à Fate en passant par D&D ou Dogs in the Vineyard). On ne se contente pas de balayer certains jeux d'un revers de la main juste parce qu'on a la paresse intellectuelle de faire passer une simple opinion (dé)formée par des expériences personnelles comme un raisonnement intellectuel. Les jugements péremptoires ne mènent nulle part, à part donner un vague sentiment de sécurité à ceux qui les profèrent en délimitant leur zone de confort.

Si les jeux de rôle m'ont permis de développer au moins une qualité c'est la curiosité. Et c'est justement cette curiosité qui m'a poussé à jeter un œil à Into the Odd qui, à première vue, appartient à une mouvance (l'Old School Renaissance) pour laquelle j'ai un intérêt intellectuel et, oserais-je dire, "professionnel", mais aucune passion.

Into The Odd : enfin la critique !

Ce jeu, écrit par Chris McDowall, avait d'abord attiré mon attention dans sa toute première version. Mais à l'époque j'étais en pleine période OSR et il ne se passait pas un jour sans qu'un nouveau clone de l'ancêtre ne fasse son apparition. Je l'ai donc mis de côté après l'avoir feuilleté en me jurant que je finirais par le lire un jour, certaines choses ayant attiré mon attention (j'y reviendrais).

En 2014 le jeu a bénéficié d'une réécriture, d'une maquette, de quelques illustrations et d'une édition papier. 48 pages format A5 avec une bien jolie couverture : j'ai craqué car avant d'être curieux je suis avant tout faible... 

 
L'ambiance avant tout
Ce qui m'avait attiré dans la première version d'Into the Odd c'était l'esquisse d'univers qui était proposée, assez éloignée des standards de la fantasy. Pas d'univers pseudo-médiéval ici, plutôt un mélange de XIXe siècle, de la Nouvelle-Crobuzon de China Mieville et d'une bonne dose de bizarreries...

L'Odd World est dominé par la ville de Bastion, auto-proclamée capitale de la civilisation, noyée dans la fumée noire de ses nombreuses usines. Le Londres du XIXe siècle, en plus sale, plus peuplée et encore plus polluée. Au delà se trouve les Terres Dorées et l'Océan Polaire, de vastes étendues qui attendent d'être explorée et cartographiée.

Pour aider le MJ à se lancer, le jeu propose trois mini-settings : un "donjon" (the Iron Coral, 4 pages), une étendue sauvage (The Fallen Marsh, 4 pages) et enfin une ville portuaire (Hopesend, 2 pages et de loin le plus intéressant du lot).

De leur côté les personnages sont censés se lancer dans des expéditions vers l'inconnu afin d'y trouver la fortune et des Arcanes, des objets techno-magiques aux propriétés extraordinaires, qui reproduisent généralement les effets des sorts de D&D. Ces Arcanes sont classées en trois groupes : arcanes, arcanes majeurs et arcanes légendaires. Il est tout à fait possible de commencer la partie avec une Arcane dans son équipement.

A titre personnel j'étais un peu déçu de voir resurgir certains clichés propres au Donjonverse comme des donjons peuplés de monstres et de pièges, on devine bien que l'univers a tellement plus à proposer, comme de mener une campagne inspirée par le jeu PC Sunless Sea par exemple.


Créer un personnage
Au départ, j'avais vraiment survolé cette section, je m'attendais à une énième variation des règles de l'ancêtre, ni pire ni meilleure que d'autre. Grossière erreur de ma part car si Into the Odd a une lointaine parenté avec D&D elle est des plus ténue. Il suffit de créer un personnage pour s'en convaincre

Nom : Pipp Eggler (le jeu propose un générateur de nom)

Caractéristiques (3D6 dans l'ordre)

Force : 12
Dextérité : 14
Volonté : 9

Points de vie : 5 (déterminé en lançant 1D6)

L'équipement est déterminé de façon très maligne dans un tableau qui prend en compte votre total de points de vie et votre meilleur caractéristique afin de donner un petit coup de pouce aux joueurs malchanceux : plus vos attributs et vos points de vie sont faibles, meilleur sera votre équipement.

J'obtiens le "pack" suivant : lance-harpon (D8), bâton (D6), acide et j'obtiens également le trait suivant, Pipp Eggler est "légèrement magnétique". Il n'y a d'explication donnée pour ce genre de "pouvoir", aux joueurs et au MJ de se débrouiller et ce n'est tout de même pas très difficile à interpréter : j'imagine que m. Eggler a renoncé aux montres et aux boussoles. Et en partie je déciderais peut-être que m.Eggler est en fait un automate et qu'il ne le sait pas encore, pourquoi pas ?

Je me suis minuté pour créer ce (premier personnage) : moins de 2 minutes (et en plus j'ai eu du bol avec mes jets).

Les règles
 Quand m.Eggler souhaite agir et que l'issue de son action est incertaine :
  1. on détermine quelle caractéristique il va utiliser 
  2. on lance 1D20 
  3. si le résultat est inférieur ou égal à la caractéristique utilisée l'action est réussie.
En combat c'est encore plus simple :
  1. Pipp Eggler tire au lance-harpon sur son adversaire
  2. On lance directement le dé de dégâts de l'arme 
  3. le résultat est soustrait des points de vie l'adversaire
 Il y a une ou deux subtilités (blessure critique, armure...) mais je viens de vous résumer 90% du système de jeu. C'est bien simple, l''ensemble des règles (gestion d'une entreprise et combat de masse compris) tiens sur 8 pages A5, pas de quoi faire une indigestion (et vous pouvez en consulter une grande partie ici).

Le chapitre sur l'expérience (p.8) vous permettra de voir qu'ici on ne compte pas les points d'expérience : un personnage évolue en fonction du nombre d'expéditions qu'il a mené et la progression se fait sur cinq niveaux : novice, professionnel, expert, vétéran et maitre (avec un éventuel niveau "Au-delà" pour ceux qui souhaitent devenir roi, immortel ou le plus grand génie que Bastion ait connu.

Alors bien évidemment pour certains, ce sera beaucoup trop minimaliste, pour d'autres (comme moi) ce sera parfait. Les premiers pourront se consoler en se disant qu'ils peuvent greffer à peu près n'importe quoi sur le système d'Into the Odd pour le complexifier, des feats de Donj' aux  aspects de Fate.

L'avis de l'Ours

Into the Odd possède pour moi la qualité principale d'un jeu de rôle : il me donne envie de jouer. J'ai envie de voir des aventuriers pris dans les magouilles politiques et criminelles de Bastion et d'Hopesend. J'ai envie de les voir mener leurs expéditions pour en ramener des Arcanes toujours plus étranges tout en affrontant des créatures étranges et déformées (Numenéra sera là une parfaite source d'inspiration, aussi bien pour les objets que pour les monstres et même l'univers). La simplicité des règles qui permettent à un joueur de gérer son entreprise, son réseau et/ou son armée donnent vraiment envie d'être essayées et d'amener les personnages rapidement jusqu'à ce niveau de responsabilité sans pour autant donner de sueurs froides au meneur.

Et cet univers a sur moi un effet hypnotisant, il m'invite à l'utiliser et à l'enrichir au travers de mes parties. Avec son système minimaliste qui s'efface derrière les choix du meneur et des joueurs Into the Odd est le premier jeu issu de l'OSR qui me donne autant envie d'être meneur (ou joueur). J'y retrouve le sentiment d'étrangeté que peut procurer un jeu comme Numenéra, tout en restant beaucoup plus accessible.

En revanche c'est un jeu minimaliste : les quelques infos distillées sur 48 pages sont parvenues à stimuler mon imagination mais si je compte mener une campagne d'Into the Odd, j'aurais à fournir l'essentiel du travail. Le jeu ne fait que me donner un cadre et une direction. Ceux qui ont besoin d'un peu plus d'informations pour se sentir immerger dans un univers risquent d'être déçus.

Dernière précision, le créateur du jeu ne s'est pas arrêté là et il a commencé à travailler sur un Odd Space qui semble déjà très prometteur.

jeudi 19 février 2015

mercredi 11 février 2015

Dojos & Dragons : de quoi vous faire (un peu) patienter

Mylydy s'est encore déchainée sur les illustrations !



Le jeu se fait attendre mais je vous garanti que vous ne serez pas déçu !